L'imposition des Français de l'étranger, la nouvelle
bombe fiscale à retardement
L'alignement de
la fiscalité des non-résidents sur celle des résidents français, voulue par le
gouvernement, se traduit par des effets collatéraux mal anticipés. Certains
transfrontaliers craignent une flambée de leurs impôts.
La refonte de
la fiscalité des non-résidents, défendue par la députée Anne Genetet, crée des
effets de bord mal mesurés lors du vote à l'Assemblée.
C'est un
fonctionnaire français, résident en Belgique mais travaillant en France, dont
l'impôt serait multiplié par deux en 2020. Pour son collègue habitué de la
navette Bruxelles-Lille, dont le conjoint dispose de confortables revenus en
Belgique, la facture fiscale serait triplée. Quant à ce couple de retraités,
résidents en Amérique du Nord, mais percevant une pension française, son
imposition pourrait enfler de plus de 60 %… Depuis la refonte de la fiscalité des non-résidents dans la dernière loi de finances , les Français de l'étranger ont sorti leur calculatrice. Les nouvelles
règles, qui devraient entrer en vigueur en 2020, s'avéreraient très
défavorables pour certains d'entre eux.
Une nouvelle
bombe fiscale pour le gouvernement ? Ce n'était pas la logique initiale de
cette réforme, présentée l'an dernier comme une mesure de justice et de
simplification. « Le principe, c'est de faire converger
l'imposition des non-résidents sur celle des résidents français, explique
Anne Genetet (LREM), députée des Français de l'étranger, à l'origine des
amendements qui ont mis le feu aux poudres. Aujourd'hui, les règles pour les
non-résidents sont d'une telle complexité que les services fiscaux sont
submergés par les appels. »
Effets de bord
Sauf que les
nouvelles règles créent des effets de bord mal mesurés lors du vote à l'Assemblée,
faute d'étude d'impact détaillée. Pour bien comprendre, il faut savoir que
salaires et pensions français des non-résidents sont, à l'heure actuelle,
frappés par une retenue à la source (de 0 %, 12 %, ou 20 %) dont
le barème est, jusqu'à 43.000 euros de revenus annuels, souvent plus
avantageux que le barème de l'impôt des résidents français (avec ses tranches à
14 %, 30 %, 41 %, 45 %).
L'imposition des non-résidents, une mécanique complexe
Les salaires et
pensions de source française perçus par les non-résidents sont taxés selon des
règles complexes. A l'heure actuelle, ces revenus sont frappés d'une retenue à
la source (de 0 % jusqu'à 14.839 euros, de 12 % entre 14.839 et
43.047 euros et de 20 % au-delà). Pour les revenus supérieurs à
43.047 euros, les contribuables doivent ensuite s'acquitter du reliquat
d'impôt sur le revenu calculé selon le barème progressif des résidents (avec
ses tranches à 30 %, 41 %, 45 %). Le foyer établi à l'étranger
peut demander l'application d'un taux moyen si l'ensemble de ses revenus
mondiaux le place dans une tranche d'imposition inférieure à 20 %. Cette
démarche, méconnue de beaucoup de contribuables, est souvent source de
contentieux avec l'administration. Voilà pourquoi les parlementaires ont voulu
refondre les règles en loi de finances.
A compter
de 2020, cette retenue à la source serait supprimée. Au lieu de cela, les
revenus de source française seraient taxés à 20 % dès le premier euro,
puis à 30 % au-delà de 27.520 euros de revenus annuels. Les
contribuables qui le souhaitent pourraient opter pour une imposition au
« taux moyen ». Ce taux sera calculé sur la base des revenus
mondiaux. Ils devront donc déclarer l'ensemble de leurs revenus. « L'avantage
du taux moyen est qu'il permet d'appliquer un barème progressif et de prendre
en compte la situation familiale », explique Anne Genetet.
Impôts multipliés par deux ou par trois
Mais certains
foyers pourraient se retrouver très pénalisés, même s'ils optent pour le taux
moyen. En première ligne : ceux qui n'ont pas ou plus de charges de
famille, comme des retraités résidents à l'étranger ou de jeunes travailleurs
frontaliers. « Certains d'entre nous vont voir leurs impôts
multipliés par deux ou par trois. Cela va mettre en grande difficulté des
familles sur leur projet de vie », témoigne Julien Kounowski,
représentant des « navetteurs » entre Bruxelles et Lille. Mobilisés
sur les réseaux sociaux, ces transfrontaliers ont alerté les parlementaires
tous azimuts pour les sensibiliser à leur situation.
« J'entends
que cela puisse perturber certains équilibres familiaux et nous sommes ouverts
à des ajustements », réagit Anne
Genetet, face à cette bronca. Pieyre-Alexandre Anglade (LREM), député
représentant les Français du Benelux, reconnaît que « la réforme
n'est pas achevée ». « La finalité n'est pas d'imposer davantage,
mais de simplifier », insiste-t-il.
Aligner la fiscalité des non-résidents
Le projet de
loi de finances, présenté le 25 septembre, devrait comprendre une
disposition technique concernant les non-résidents, que les parlementaires
pourront compléter par des amendements. « Si l'objectif du
gouvernement est bien d'aligner la fiscalité des non-résidents sur celle des
résidents, il faut aller au bout de cette logique dans le projet de loi de
finances 2020 », abonde Magda Yasumoto, avocate associée du cabinet
Deloitte Taj.