lundi 22 août 2016

PRISE DE RISQUE ET ACTE ANORMAL DE GESTION

LA PRISE DE RISQUE EXCESSIF N’EST PLUS UN CRITÈRE DE QUALIFICATION (CE 13/07/2016)

Légifrance - 13/07/2016

Une décision notamment favorable au placement de la trésorerie de société d’exploitation et/ou soumise à l’IS


Contexte
Les sociétés sont tenues de se conformer à un acte de gestion commerciale dite « normale ».
L’acte anormal de gestion est celui qui met une dépense ou une perte à la charge de l’entreprise, ou qui prive la société d’une recette, sans être justifié par les intérêts de l’exploitation commerciale.
L'acte anormal de gestion n'est pas opposable à l'administration qui est en droit de refuser la déductibilité fiscale de la dépense ou d'imposer la recette à laquelle l'entreprise a renoncé.

Le Conseil d’État jugeait qu’une prise de risques excessive constitue un acte anormal de gestion. Dans un arrêt du 17 octobre 1990, il jugea qu’un risque pris par un dirigeant d’entreprise, qui devient excessif au fil des années, constitue un acte anormal de gestion.
Le Conseil d’État vient d’abandonner cette position dans un arrêt du 13 juillet 2016.

Faits et procédure
- L’agence de Strasbourg de la société anonyme Monte Paschi Banque a consenti à la société KMX Technologie d’importants concours financiers entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2004.

Au titre des exercices clos en 2003 et 2004, elle a constitué des provisions pour risque de non-recouvrement de ces créances.
  • A l’issue de la vérification de comptabilité dont la société a fait l’objet, l’administration fiscale a réintégré dans le résultat de l’exercice clos en 2004 une somme de 7 560 500 euros correspondant à une fraction de la provision constituée à hauteur de 11 237 561 euros, au motif que la SA Monte Paschi Banque n’avait pas agi dans le cadre d’une gestion commerciale normale.
La Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé les jugements des 6 octobre 2011 et 6 décembre 2012 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes de la SA Monte Paschi Banque tendant à la décharge des impositions supplémentaires.
Elle a considéré que les concours financiers octroyés constituaient un acte étranger à une gestion commerciale normale insusceptible d’ouvrir droit à la comptabilisation d’une provision déductible du bénéfice imposable, relevant que l’ensemble des circonstances de l’espèce devait être regardée comme révélant une « prise de risque inconsidérée de la banque ».
  • - Le contribuable s’est pourvu en cassation.
Arrêt
  • Le Conseil d’État rappelle le principe de l’acte anormal de gestion appliqué aux provisions : « ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l’impôt sur les sociétés les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges étrangères à une gestion commerciale normale. »
  • Il énonce néanmoins que le champ d’application de l’acte anormal de gestion doit être restreint.
« C’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise que l’administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d’une gestion commerciale normale. Indépendamment du cas de détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants, il n’appartient pas à l’administration, dans ce cadre, de se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par l’entreprise et notamment pas sur l’ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats. »
  • Par conséquent, le Conseil d’État juge qu’ « En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait seulement de rechercher si les décisions en cause étaient conformes à l’intérêt de l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur l’ampleur des risques pris, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé. »