mardi 23 juillet 2019

FEC ET DROIT DE RÉTENTION DE L'EXPERT COMPTABLE


Le droit de rétention de l'expert-comptable à l'épreuve du FEC

Vous êtes nombreux à vous interroger sur les conditions dans lesquelles le FEC doit être délivré au client et s’il peut faire l’objet du droit de rétention. Rappel de la réglementation applicable.
[...] « Les personnes mentionnées à l’article 141 (professionnels de l’expertise comptable) informent le président du Conseil régional de l’Ordre de la circonscription dans laquelle elles sont inscrites de tout litige contractuel qui les conduit à envisager de procéder à la rétention des travaux effectués faute de paiement des honoraires par le client ou adhérent » [...]
Obligation de délivrance du FEC

La réalisation du FEC par l’expert-comptable ne s’impose que dans les hypothèses où le cabinet tient la comptabilité du client. Lorsque l’expert-comptable tient, totalement ou partiellement, la comptabilité de son client, et qu’il détient l’original de la comptabilité, il doit produire le FEC. Cette production représente, en effet, un « sous-produit » logique de ses travaux de nature fiscalo-comptable et est inscrite en tant que telle dans la lettre de mission dans le prolongement de la mission d’assistance en matière comptable.


Les honoraires de la mission doivent tenir compte de la réalisation de ce FEC, en amont de la signature de la lettre de mission.


En revanche, quand l’expert-comptable fournit une mission d’assistance à la révision des comptes et à la préparation des comptes annuels, l’original de la comptabilité se trouve le plus souvent chez le client. Ce dernier peut alors produire le FEC et le soumettre à l’examen de son expert-comptable comme il peut lui demander de l’aider à le produire. Une mission pour la production d’un FEC fiable en lien avec la génération des télédéclarations fiscales peut être proposée au client. Cette production peut être effectuée au sein du cabinet, avec rapatriement de l’intégralité des écritures, ou chez le client, avec de strictes procédures de validation / clôture. Il est alors essentiel de préciser clairement la répartition des tâches de chacun en la matière dans la lettre de mission.

 
Exercice du droit de rétention

Il convient de distinguer les documents appartenant au client des travaux effectués par l’expert-comptable.


Pour l'exécution de sa mission, l’expert-comptable a besoin de détenir temporairement certains documents appartenant au client. La remise de ces documents constitue un dépôt volontaire au sens de l'article 1921 du Code civil. En vertu du contrat accessoire de dépôt (articles 1915 et suivants du Code civil), l’expert-comptable doit conserver les documents qu’il reçoit des clients ou qu’il crée pour eux, puis doit les restituer en totalité après exécution de ses obligations.


L’expert-comptable a cependant la faculté de mettre en œuvre un « droit de rétention », faute de paiement par exemple des honoraires par le client, tel que prévu par l’article 168 du décret n°2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable.


Cet article précise que « Les personnes mentionnées à l’article 141 (professionnels de l’expertise comptable) informent le président du Conseil régional de l’Ordre de la circonscription dans laquelle elles sont inscrites de tout litige contractuel qui les conduit à envisager de procéder à la rétention des travaux effectués faute de paiement des honoraires par le client ou adhérent »,

Attention, cependant aux conditions d’exercice de ce « droit de rétention » !
Cet article autorise le professionnel à ne retenir que le travail effectué par lui-même (bilan, comptes annuels…), ce qui constitue au plan juridique une exception d’inexécution (et non les documents appartenant au client, ce qui constitue le véritable droit de rétention du droit commun).

Le FEC réalisé par le cabinet d’expert-comptable peut donc faire l’objet du « droit de rétention » prévu par l’article 168 du décret du 30 mars 2012, puisqu’il fait partie des travaux effectués par l’expert-comptable.

L’expert-comptable doit vérifier que les conditions suivantes, issues du droit commun et des textes spécifiques à la profession, sont bien remplies :
  • une créance certaine, liquide et exigible doit exister ;
  • les documents que le professionnel projette de retenir doivent incorporer un travail de sa part (tel est le cas du FEC s’il est réalisé par le cabinet) ;
  • un lien entre la nature des documents retenus et la mission réalisée par le professionnel est nécessaire. Il n’est ainsi pas possible de retenir les documents établis pour une mission de présentation pour obtenir le paiement d’honoraires dus pour un audit. Il a en effet été jugé que le professionnel ne peut user de son droit de rétention que pour assurer le paiement des travaux qui sont relatifs à l’établissement des documents retenus ou qui ont été effectués sur ceux-ci.
L’expert-comptable doit également, avant de faire usage de ce droit :
  • avoir épuisé au préalable les voies de conciliation possibles ;
  • informer le client par lettre recommandée avec avis de réception de l’exercice de son droit de rétention ;
  • informer le président du Conseil régional du litige contractuel l’amenant à exercer son droit de rétention. Cette information est rarement faite en pratique selon les retours des conseils régionaux. Cette carence pourrait être dommageable à l’expert-comptable en cas de contestation du client et de contentieux ultérieur.
L’usage de ce droit peut empêcher le client de répondre à l’administration fiscale et conduire à des redressements et pénalités. Il faut dès lors que le professionnel soit certain de faire un usage conforme aux textes encadrant l’exercice de la profession.

Retenir le FEC alors même que le client fait l’objet d’un contrôle fiscal peut entraîner des pénalités. Il n’est pas sûr que devant un juge, le fait que l’expert-comptable ait respecté les textes suffise à éviter une mise en cause de sa responsabilité.

 
A noter que si l’usage du droit de rétention fait obstacle à l’entrée en fonctions d’un confrère souhaitant reprendre le dossier, la consignation d’une somme litigieuse au Conseil régional peut être proposée, dans le cadre d’une conciliation ordinale ou d’un arbitrage. Il faut retenir que le droit de rétention ne peut pas être exercé par le successeur à raison des honoraires dus au prédécesseur.
 
Si la procédure de conciliation ordinale ou d’arbitrage n’aboutit pas, le juge des référés peut également être saisi pour obtenir la nomination d’un séquestre chargé de conserver les documents sur lesquels doit s’exercer le droit de rétention. Une action au fond peut être engagée en parallèle pour obtenir le paiement des honoraires dus.