Le droit de rétention de l'expert-comptable à l'épreuve du FEC
Vous êtes
nombreux à vous interroger sur les conditions dans lesquelles le FEC doit être
délivré au client et s’il peut faire l’objet du droit de rétention. Rappel de
la réglementation applicable.
[...] « Les personnes mentionnées à l’article 141 (professionnels de
l’expertise comptable) informent le président du Conseil régional de l’Ordre de
la circonscription dans laquelle elles sont inscrites de tout litige
contractuel qui les conduit à envisager de procéder à la rétention des travaux
effectués faute de paiement des honoraires par le client ou adhérent »
[...]
Obligation de
délivrance du FEC
La réalisation du FEC par l’expert-comptable ne s’impose que dans les
hypothèses où le cabinet tient la comptabilité du client. Lorsque
l’expert-comptable tient, totalement ou partiellement, la comptabilité de son
client, et qu’il détient l’original de la comptabilité, il doit produire le
FEC. Cette production représente, en effet, un « sous-produit »
logique de ses travaux de nature fiscalo-comptable et est inscrite en tant que
telle dans la lettre de mission dans le prolongement de la mission d’assistance
en matière comptable.
Les honoraires de la mission doivent tenir compte de la réalisation de ce FEC,
en amont de la signature de la lettre de mission.
En revanche, quand l’expert-comptable fournit une mission d’assistance à la
révision des comptes et à la préparation des comptes annuels, l’original de la
comptabilité se trouve le plus souvent chez le client. Ce dernier peut alors
produire le FEC et le soumettre à l’examen de son expert-comptable comme il
peut lui demander de l’aider à le produire. Une mission pour la production d’un
FEC fiable en lien avec la génération des télédéclarations fiscales peut être
proposée au client. Cette production peut être effectuée au sein du cabinet,
avec rapatriement de l’intégralité des écritures, ou chez le client, avec de
strictes procédures de validation / clôture. Il est alors essentiel de préciser
clairement la répartition des tâches de chacun en la matière dans la lettre de
mission.
Exercice du
droit de rétention
Il convient de distinguer les documents appartenant au client des travaux
effectués par l’expert-comptable.
Pour l'exécution de sa mission, l’expert-comptable a besoin de détenir
temporairement certains documents appartenant au client. La remise de ces
documents constitue un dépôt volontaire au sens de l'article 1921 du Code
civil. En vertu du contrat accessoire de dépôt (articles 1915 et suivants du
Code civil), l’expert-comptable doit conserver les documents qu’il reçoit des
clients ou qu’il crée pour eux, puis doit les restituer en totalité après
exécution de ses obligations.
L’expert-comptable a cependant la faculté de mettre en œuvre un « droit de
rétention », faute de paiement par exemple des honoraires par le client,
tel que prévu par l’article 168 du décret n°2012-432 du 30 mars 2012 relatif à
l’exercice de l’activité d’expertise comptable.
Cet article précise que « Les personnes mentionnées à l’article 141
(professionnels de l’expertise comptable) informent le président du Conseil
régional de l’Ordre de la circonscription dans laquelle elles sont inscrites de
tout litige contractuel qui les conduit à envisager de procéder à la rétention
des travaux effectués faute de paiement des honoraires par le client ou
adhérent »,
Attention, cependant aux conditions
d’exercice de ce « droit de rétention » !
Cet article
autorise le professionnel à ne retenir que le travail effectué par lui-même
(bilan, comptes annuels…), ce qui constitue au plan juridique une exception
d’inexécution (et non les documents appartenant au client, ce qui constitue le
véritable droit de rétention du droit commun).
Le FEC réalisé par le cabinet d’expert-comptable peut donc faire l’objet du
« droit de rétention » prévu par l’article 168 du décret du 30 mars
2012, puisqu’il fait partie des travaux effectués par l’expert-comptable.
L’expert-comptable
doit vérifier que les conditions suivantes, issues du droit commun et des
textes spécifiques à la profession, sont bien remplies :
- une créance certaine, liquide et exigible doit
exister ;
- les documents que le professionnel projette de
retenir doivent incorporer un travail de sa part (tel est le cas du FEC
s’il est réalisé par le cabinet) ;
- un lien entre la nature des documents retenus et
la mission réalisée par le professionnel est nécessaire. Il n’est ainsi
pas possible de retenir les documents établis pour une mission de
présentation pour obtenir le paiement d’honoraires dus pour un audit. Il a
en effet été jugé que le professionnel ne peut user de son droit de
rétention que pour assurer le paiement des travaux qui sont relatifs à
l’établissement des documents retenus ou qui ont été effectués sur
ceux-ci.
L’expert-comptable
doit également, avant de faire usage de ce droit :
- avoir épuisé au préalable les voies de
conciliation possibles ;
- informer le client par lettre recommandée avec
avis de réception de l’exercice de son droit de rétention ;
- informer le président du Conseil régional du
litige contractuel l’amenant à exercer son droit de rétention. Cette
information est rarement faite en pratique selon les retours des conseils
régionaux. Cette carence pourrait être dommageable à l’expert-comptable en
cas de contestation du client et de contentieux ultérieur.
L’usage de ce
droit peut empêcher le client de répondre à l’administration fiscale et
conduire à des redressements et pénalités. Il faut dès lors que le
professionnel soit certain de faire un usage conforme aux textes encadrant
l’exercice de la profession.
Retenir le FEC alors même que le client fait l’objet d’un contrôle fiscal peut
entraîner des pénalités. Il n’est pas sûr que devant un juge, le fait que
l’expert-comptable ait respecté les textes suffise à éviter une mise en cause
de sa responsabilité.
A noter que si
l’usage du droit de rétention fait obstacle à l’entrée en fonctions d’un
confrère souhaitant reprendre le dossier, la consignation d’une somme
litigieuse au Conseil régional peut être proposée, dans le cadre d’une
conciliation ordinale ou d’un arbitrage. Il faut retenir que le droit de
rétention ne peut pas être exercé par le successeur à raison des honoraires dus
au prédécesseur.
Si la
procédure de conciliation ordinale ou d’arbitrage n’aboutit pas, le juge des
référés peut également être saisi pour obtenir la nomination d’un séquestre
chargé de conserver les documents sur lesquels doit s’exercer le droit de
rétention. Une action au fond peut être engagée en parallèle pour obtenir le
paiement des honoraires dus.