mardi 22 août 2017

REVENUS FONCIERS ATTENTION A LA FIXATION DU LOYER

Revenus fonciers : conséquences de la fixation d’un loyer anormalement bas (CAA Douai 25/04/17)

L’administration peut aussi remettre en cause la déductibilité des charges…

1. Ce qu'il faut retenir
En application de l’article 15, II du Code général des impôts, "les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu (…)".

L’administration peut, sur ce fondement, remettre en cause la déductibilité des charges provenant d’une SCI lorsque l’immeuble détenu est loué pour un prix très faible à des proches du contribuable.

Conséquences pratiques
Quelles que soient les modalités de détention d’un immeuble (en direct ou en société), il est inutile, voire risqué (coût supplémentaire lié aux pénalités en cas de proposition de rectification), de le donner en location pour un prix très faible, déconnecté du marché locatif, dans l’idée de pouvoir en déduire les charges.

  • En effet, l’administration dispose de plusieurs moyens lui permettant de recalculer le montant de l’impôt, notamment en présence de revenus fonciers :
  • Elle peut augmenter les loyers déclarés du montant de la libéralité que le propriétaire a entendu faire à son locataire (BOI- RFPI-BASE-10-10 § 430); Elle peut encore, comme dans l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai, considérer le bail comme fictif et remettre en cause la déduction du déficit foncier constaté, en raison de l’exonération des revenus associés (CGI, art. 15, II).
Les deux solutions étant admises par les juges, on imagine que le choix se fera en fonction de l’opportunité.

Ainsi, pour pouvoir déduire les charges afférentes à l’immeuble, celui-ci doit véritablement être mis à disposition d’un tiers en contrepartie d’un loyer de marché. Il ne doit, en effet, pas s’agir d’un immeuble de jouissance, et celui-ci doit être générateur de revenus fonciers.

Il convient de relever que dans cet arrêt, les juges ont reconnu à l’administration la possibilité d’écarter la qualification de bail en dehors de toute procédure d’abus de droit. Si la procédure est moins pénalisante sur le plan des majorations, elle est aussi moins protectrice des garanties du contribuable…

On restera attentif à un éventuel pourvoi en cassation des parties.

3. Pour aller plus loin

Contexte
Une des conditions nécessaires à la déductibilité des charges en matière de revenus fonciers est qu'elles doivent se rapporter à des immeubles ou parties d'immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers.

La conclusion d'un bail de convenance devrait donc permettre de rendre déductibles des dépenses qui ne l'auraient pas été sinon.

Toutefois, s’il s’avère que le loyer convenu est anormalement bas, l’administration peut, sous le contrôle du juge, "rectifier le revenu déclaré en majorant le prix du loyer du montant de la libéralité que le propriétaire a consentie à son locataire. Deux conditions cumulatives doivent être satisfaites :
  • le prix de la location doit être nettement inférieur à la valeur locative normale de l’immeuble loué ;
  • le propriétaire n’est pas en mesure d’établir que des circonstances indépendantes de sa volonté font obstacle à la location de l’immeuble à son prix normal".
BOI-RFPI-BASE-10-10 §430

La procédure  de répression de l’abus de droit a pu également être mise en œuvre par l’administration pour disqualifier le bail convenu et remettre en cause la déductibilité des charges.

Les conséquences d’une telle rectification peuvent s’avérer bien plus pénalisantes pour le contribuable en présence d’un important déficit foncier, et compte tenu du taux de majoration applicable à ce type de procédure (40 %, voire 80 % CGI, art. 1729).

En ce sens, plusieurs affaires dans lesquelles une SCI louait un immeuble de jouissance à ses associés afin de rendre déductibles les charges ont déjà été jugées (arrêt du Conseil d'Etat du 11 octobre 1991), ou bien fait l'objet d'avis du comité de l’abus de droit (affaires n°2005-15 et 2005-23, BOI 13 L-1-07 – affaire n°2009-09 BOI 13 L-1-10 – affaire n°2010-1  BOI 13 L-12-10).

Plus récemment, le Comité de l’abus de droit a été amené à se prononcer dans une affaire dont les faits sont proches de ceux de l’arrêt commentés (affaires n°2016-35 à 2016-42, voir actualité précédente) : le bail n’avait pas été consenti au profit des associés mais de proches de ces derniers pour un loyer très faible et avec paiement ou remboursement de celui-ci par l’associé sans que ceci constitue une pension alimentaire. Le Comité avait alors estimé que le caractère onéreux du contrat de bail faisait défaut et en a déduit que celui-ci était entaché de simulation, l’administration était donc fondée à mettre en œuvre la procédure prévue à l’article L.64 du LPF.

En dehors de la procédure de l’abus de droit, l’administration ne devrait pas pouvoir remettre en cause la déductibilité des charges sur le fondement de la fictivité du bail.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a en effet jugé dans un arrêt du 09 juin 2004 que la procédure de répression des abus de droit doit être respectée lorsque l'administration plaide le caractère fictif d'une opération ou son caractère exclusivement fiscal.

L’arrêt commenté de la Cour administrative d’appel de Douai constitue sur ce point une première...

Faits et procédure
Un contribuable a fait l’objet d’une procédure de rectification au titre de l’impôt sur le revenu des années 2008 et 2009. L’administration a notamment refusé de prendre en compte, pour la détermination de son déficit foncier, les charges qu’il a supportées pour un immeuble détenu au sein d’une société et loué à des proches, au motif que le contribuable s’en serait réservé la jouissance.

Le tribunal administratif de Lille, saisi en premier lieu, a rejeté la demande de décharge des cotisations supplémentaires et des pénalités subies.

Le contribuable a fait appel de la décision.

Arrêt 
La Cour de Douai rappelle en premier lieu « qu'aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu (...). " ; que les contribuables qui bénéficient de cette exonération ne sont pas autorisés, par voie de conséquence, à déduire de leurs revenus fonciers compris dans leur revenu global soumis à l'impôt sur le revenu les charges afférentes aux logements dont il s'agit " ;

Or en l’espèce, pour les juges, la composition du capital social de la société propriétaire de l’immeuble, le montant du loyer, ainsi que les liens unissant le contribuable aux locataires permettaient de considérer que celui-ci  s’en était réservé la jouissance :

"Considérant que M. D...détient 70 % de la SCI Maco Apohelo, société immobilière de copropriété au sens de l'article 1655 ter du code général des impôts, que la société a acquis en 2006 à hauteur de 300 000 euros un immeuble situé à Sequedin ; qu'au titre de l'année 2008, les trois enfants mineurs de M.D..., détenant chacun 10 % de la société, ainsi que son ex-femme ont occupé à titre gratuit ce logement ; qu'au titre de l'année 2009, ces mêmes occupants ont, moyennant un loyer annuel de 2 400 euros, gardé la possession du logement ; qu'ainsi, eu égard aux liens qui unissent M. D...aux occupants du logement, à la faiblesse du loyer au regard tant du prix d'acquisition que du montant des charges afférentes à l'immeuble estimées par l'administration fiscale, sans être contestées, à 9 306 euros, M. D... doit être regardé comme s'étant réservé la jouissance du bien" ;

En conséquence, le contribuable ne pouvait déduire de ses revenus imposables le déficit foncier de la société à hauteur des parts détenues, l'administration fiscale était fondée à réintégrer la somme en litige dans ses revenus imposables.